♥lessiàn —100%—

▌hylessiàn&sixtine ― « 19 ans; voyage à NYC. »

Ma sœur stoppa ses mouvements, dardant un regard que je jugeais des plus interrogateurs sur la valise que je tentais en vain d‘emplir plus que sa capacité ne le permettait. Ses yeux se posèrent subitement sur moi et la courbe de ses sourcils sévèrement froncés m’indiqua qu’elle ne manquerait pas, une fois de plus, de me passer l’un de ses habituels commentaires des plus désobligeants. Il allait sans dire que j’en avais l’habitude, depuis le temps que je la coltinais. Je la regardais, haussant les sourcils, puis un léger sourire vint changer ma physionomie. J’attendais. Je savais très bien que de sa bouche s’écoulerait dans quelques secondes à peine et ou une remarque faussement méprisante, et ou un reproche se voulant taquin. ― « T’as vraiment besoin d’emporter un si grand nombre de chaussures Hyl’? Je te rappelle que nous ne partons que deux semaines, pas trois ans! T'es tellement décourageante quand tu t'y mets avec application! (...) Non mais tu m'écoutes? Tu ne vois pas que ta valise ne se ferme même plus!? HYL'!!!» Une mine penaude vint se peindre sur mes traits, alors que je regardais d’un air faussement triste la valise qui gisait sur mon lit. Les maintes paires de chaussures que je tentais en vain d’y faire entrer ne cessaient de tomber ici et là, jonchant davantage le sol qu’elles n’emplissaient mon bagage. Je savais que Sixtine n’avait pas tort, mais lui donner raison était pour moi une option non envisageable. Je secouai doucement la tête, attrapant du bout des doigts une petite ballerine turquoise, teintée d’argent, puis je la balançai à contre cœur dans ma penderie. La façon qu’avait ma sœur de me toiser ne manqua pas de faire naître un pâle sourire à la commissure de mes lèvres. En me mordillant la lèvre, je tentai d’adopter ce parfait air de persuasion que je savais si bien revêtir dans les moments où je n’avais en tête qu’une requête pour laquelle un refus était prémédité. ― « Tu n’aurais pas un peu de place libre dans ta valise? Pour genre.. maximum sept, non huit, paires de ballerines. Vraiment maximum! J’te jure! » Voyant que ma sœur ne céderait pas si facilement à cette demande, je levai de grands yeux bleu océan vers elle, tentant de l’amadouer avec un sourire le plus éloquent qui soit. Dans des moments pareils, je ne maquais pas de teinter ma voix d’une légère assonance digne d’une gamine que de six ans, persuadée qu’une telle tactique serait en mesure de convaincre mon interlocuteur. ― « Allleeeeez. S’il te plait! Je te revaudrai ça! » Elle me regarda, soudainement sujette à de grandes réflexions. Je savais qu’elle se demandait de quelle façon elle allait me rembarrer; je la connaissais bien. À ma grande surprise, elle sourit puis hocha la tête. La mine faussement songeuse, elle daigna me répondre. Je voyais briller dans ses yeux une leur espiègle qui ne pouvait nier ses intentions; elle avait quelque chose derrière la tête. ― « Maximum trois. C’est la seule place que j’ai! Je te signale que j’ai également des vêtements à emporter! » Mon regard s’illumina et je lui sautai dans les bras, en plaquant un énorme baiser sur sa joue. Je savais qu’elle avait horreur de ce genre de baiser à la dérobée, mais je n’y pouvais rien. Je lâchai une forte exclamation, en sautillant sur place, tapant frénétiquement mes deux mains l’une contre l’autre. ― « Merci, merci merci merci! T’es absolument géniale! Maintenant, aide-moi à sélectionner celles que je laisse ici. Les petites blanches? Non. Non, elles me vont à ravir quand je porte ma robe jaune et blanche. Peut-être les… » Elle me coupa la parole, les mains sur les hanches. ― « À une seule condition! » Bien sûr. Où avais-je la tête. Il était certain qu’il y aurait une foutue condition, ma sœur, me rendre un service par pur acte de charité, jamais. Je soupirai, levai les yeux au ciel, et en gémissant, je l’interrogeai du regard. ― « Tu me laisses t’emprunter n’importe lequel de tes vêtement, quand je le veux, et ce, tout au long du voyage! Deal? » Elle sourit. Ce qu'elle pouvait être exaspérante! Je regardai sa chevelure emmêlée, je souris en retour. Ses cheveux ont la couleur du caramel. Elle les a toujour teints, pour nous différencier.

Il est parfois ardu d’avoir une jumelle. Je me dis parfois que les gens sont idiots de ne savoir faire la différence entre deux individus à part entière. Il faut dire que ma soeur et moi sommes ce que les scientifiques nomment des jumelles identiques. Toute notre enfance, nous fûmes perçues par tous comme étant "les petites jumelles"; jamais on ne sut vraiment dire laquelle était Sixtine et laquelle était Hylessiàn. Ma mère avait cette manie de nous affubler de vêtements identiques: sans doute était-elle désireuse de plonger les gens dans une confusion encore plus grande. Quelle manie! Quelle manie qui nous porta à détester cette façon de nous surnommer les jumelles dès notre jeune âge. Aujourd’hui, c’est pire encore. Nous avons grandit! Nous sommes de jeunes adultes, nous ne sommes plus les enfants qui se revêtaient de robes à fanfreluches roses, identiques. Depuis notre plus tendre enfance, ma soeur et moi avions un caractère quasi semblable, hormis ma volonté pour les études, que ma soeur n’avait pas. Nous regorgions de bonnes valeurs et un sourire étincelant était constamment peint sur nos lèvres, surmontées de yeux bleus étincellants où toujours brillait une lueur de malice, reflétant notre incroyable joie de vivre. Gamines, nous riions toujours pour des riens, ce qui, je puis vous l’affirmer, n’a jamais bien changer. Nous avions la chance d’entretenir le genre de relation rêvée; meilleures amies, confidentes, sœurs. Bien sûr, nos caractères semblables et à la fois si différents ne manquaient pas de provoquer, parfois, quelques flammèches qui semait sans scrupule la pagaille entre nous; les conflits devenaient alors inévitables; ces derniers sont toujours bien vite réglés. Il n’est pas nécessaire de préciser; nous sommes proches, très proches. Enfants, nous n’avions pas beaucoup d’amis. Nous nous avions et nous jugions ceci de bien suffisant. De toute façon, nous étions toujours le spécimen rare de la classe. Les petites filles pareilles. Des amis? Non merci. Moi et elle contre le monde. Mais en vieillissant, nous comprîmes qu’avoir une vie sociale s’avérait important. Nous élargîmes donc notre cercle d’amis. Bien sûr, à l’école, nous avons les mêmes amis, nous allons aux même soirées, nous trainons ensemble. Mais que voulez-vous, quand on a la même tête et qu’on se partage toutes ses fringues, trainer ensemble n’est pas un supplice.

Nos fringues étaient justement l'une des choses que nous partagions le plus. De là la raison pour laquelle ma soeur avait trouvé pour seul ultimatum le prêt de mes fringues. Nous n'étions jamais satisfaites de celles que nous avions dans notre propre penderie, certes. Je voyais dans son regard qu'elle savait la partie gagnée. Elle avait tout prévu et scandait déjà ô grande victoire. ― « Oh et puis d'accord! Ça ne changera pas vraiment qu'à l'accoutumé. Mais j'insiste pour quatre paires! À prendre ou à laisser! » Une moue dubitative vint s’accrocher à ses lèvres, elle ne pouvait plus refuser une offre si alléchante. Ce fut à contre-coeur qu'elle s'adressa de nouveau à moi, non sans rire légèrement. ― « C'est bon, tu as gagné! Ce que tu peux m'énerver Hylessiàn! Parfois je me demande ce que j'ai pu bien faire pour me mériter une soeur comme toi! »

C’était à la blague, bien évidement. Nous nous insultions de cette façon à profusion, et ce, tous les jours. Je feignis tout de même une parfaite indignation et me jetai sur elle, tentant de la plaquer sur le sol. Ma jumelle esquiva l'attaque inattendue de justesse, courant à toute vitesse hors de ma chambre. Elle éclata de rire, en tentant en vain d’échapper à ma poigne. Derrière elle, en courant, je ne cessai de crier; ― « Répète pour voir! T’es qu’une espèce de… de… t’es qu’une espèce de. » Je ne trouvai pas d’insulte. De toute façon, une insulte n’eut été nécessaire, j’agrippai son poignet et la plaquai sur le sol, tombant littéralement sur elle, à la hauteur de la cuisine. Sixtine me regarda et pouffa de rire, ce qui déclencha chez moi un nouvel éclat de rire. Et nous voilà reparties pour un tour. Il en avait toujours été ainsi chez ma soeur et moi. Soudées comme jamais, nous étions l’une pour l’autre et jamais l’une sans l’autre. Lorsqu’un éclat de rire se déclenchait chez l’une, l’autre suivait et il était dès lors impossible de faire cesser nos rires qui s’élevaient à l’unisson. Nous pouvions rire de longues minutes durant, les larmes perlant aux coins de nos paupières, sans ne savoir cesser nos gloussements qui n’avaient parfois pas raison d’être. Toutes deux tordues de rire contre le parquet du salon, nous étions couchées l’une à côté de l’autre, sur le dos. Un assortiment de cheveux caramel et blonds formait une auréole au-dessus de nos têtes. Je pouffai de nouveau, alors que ma soeur calmait enfin les spasmes de ses épaules et taisait ses gloussements.

Elle se leva et me tendis la main, pour m’aider à me lever. Je m’agrippai solidement à sa main, sans pour autant cesser de rire. Toujours hilares, nous nous dirigeâmes main dans la main vers ma chambre. ― nous tenir par la main était l’une de nos étranges habitudes coutumières, conservée depuis l’enfance ― Nous éclatâmes de rire, et rejetant la tête par derrière, nos cheveux s’emmêlèrent en une cascade de cheveux blonds et caramels. Elle me regarda et sourit. ― « T'es vraiment folle ma vieille!! » Je lui adressai un grand sourire, serrant sa main, alors que nous pénétrions de nouveau dans ma chambre jonchée de nos vêtements. Ma répartie ne su tarder. ― « C’est exactement pour cette raison que tu m’adores tellement! » Nouvel échange de sourires. ― « C'est pas faux! » Et dans un sourire complice, nous poursuivâmes de paqueter nos bagages, pour notre futur voyage à New-York.

▌hylessiàn&sixtine ― « 21 ans; two years later, same old story. »

Deux ans ont passées depuis cet épisode. Notre voyage à New York fut mémorable, il va sans dire. La relation entretenue entre ma jumelle et moi n’a pas changée du tout depuis. Je puis même affirmer que nous sommes plus soudées que jamais. Nous sommes toujours aussi proches, je l’adore toujours autant. Car elle et moi, c’est à la vie, à la mort. Je l’adore plus que tout au monde, c’est indéniable. On donne parfois l’impression d’être dépendantes l’une de l’autre. Je ne saurais dire s’il s’agit de dépendance. Je ne peux, certes, me passer d’elle, mais il s’agit tout simplement d’une affection unissant deux sœurs jumelles, rien de plus. Ceci étant dit, je suis certaine que notre préparation en vue de notre escapade en Espagne n’aura rien de bien différente que la dernière. Nous ne manquerons pas d’enchaîner maladresses sur maladresses, sarcasmes et rires fuseront. Je me questionne déjà sur quel sera le contenu des ma valise. Chose certaine, je vais me devoir de restreindre côté chaussures; je ne crois pas que Sixtine soit prête à un compromis, cette fois. Je ne doute une seule seconde que notre voyage à Barcelona sera tout aussi mémorable, empli de faits cocasses que seules elle et moi sommes aptes à engendrer.